arctic fox cub in the rain

8 juillet 2020: J’attends ce jour avec impatience depuis plus d’un an, mais avec les incertitudes de la crise sanitaire actuelle, j’ai du mal à croire que je vais vraiment pouvoir partir vers l‘Islande aujourd’hui. Depuis ma première rencontre avec les renards polaires en février 2019 (voir mon article https://karinswildlifediaries.org/fr/renards-polaires-en-islande-fevrier-2019/) je ne cesse de rêver d’eux et je n’ai qu’une hâte, les retrouver. Mais jusqu’à l’ouverture de l’Islande aux touristes étrangers il y a 3 semaines (à condition de passer un test PCR en arrivant à l’aéroport) j’étais pratiquement certaine que le séjour devrait être reporté….

10 juillet: Après un voyage long et pénible en passant par Paris et une autre nuit à Reykjavik j’embarque enfin sur le dernier trajet, le vol interne de la capitale à Isafjörður dans la région des fjords de l’Ouest. Depuis mon départ il y a plus de 48 heures, je n’ai vu que des visages masqués, mais ici, à l’aéroport domestique de Reykjavik, personne ne porte de masque, on pourrait presque oublier ce qui se passe ailleurs dans le monde….

C’est le moment de retrouver le reste du groupe. Sans masque je n’ai aucun mal à reconnaître Richard, rencontré lors de mon dernier voyage en Islande et ensemble nous essayons de deviner qui sera la 3ème personne. Le mystère est vite levé, une dame nous interpelle pour nous présenter sa fille de 18 ans, Floriane, c’est elle qui nous rejoindra pour le séjour. Pas de masques pendant le vol non plus, tout le monde (à l’exception de moi qui n’est absolument pas rassurée par la petite taille de l’avion) semble complètement décontracté, en fait les passagers montent à bord comme s’ils prenaient tout simplement un bus. Nous sommes les seuls étrangers. Phil (https://www.explographe.com/) nous attend déjà à l’aéroport, son grand sourire trahit son soulagement, nous sommes tous contents et presque étonnés d’être arrivés à bon port!

Notre séjour d’immersion se déroulera dans la réserve naturelle du Hornstrandir, une péninsule reculée et inhabitée, à l’extrémité Nord-Ouest de la région des fjords de l’Ouest. Contrairement au reste de l’Islande, le renard polaire y est protégé et avec un peu de chance on peut l’observer pendant l’été, unique période où la réserve est accessible. Le début du mois de juillet correspond au moment où les jeunes commencent à explorer les environs de leur tanière et nous espérons pouvoir suivre leur évolution pendant quelques jours ainsi que photographier les adultes sur leurs lieux de chasse.

Belles lumières malgré les nuages sombres

JOUR 1 – PREMIÈRE RENCONTRE

Le lendemain matin nous embarquons pour notre première destination dans la réserve naturelle du Hornstrandir, un trajet en bateau d’une heure. L’hiver dernier était particulièrement froid et neigeux et même maintenant, en plein été, les montagnes qui surplombent les fjords ont gardé de belles tâches blanches.  La péninsule du Hornstrandir est un coin particulièrement sauvage et inhospitalier. Les habitants de ces contrées lointaines les ont quittées dans les années 40, mais quelques maisons ont survécu et sont aujourd’hui utilisées par les héritiers comme résidences d’été. Notre base pour les 2 prochains jours est une de ces maisons.

Sur les hauteurs la neige est encore bien présente en juillet

Nous avons tous hâte de voir ou de revoir les renards polaires, les bagages à peine posés nous sommes déjà partis à leur recherche. Discrètement assis derrière un gros rocher et des touffes d’angélique sauvage, nous observons un premier terrier. Mais dans la nature rien n’est jamais prévisible et ce matin les renardeaux que nous attendons avec impatience ne se prêtent pas au jeu. La petite brise ne suffit pas à éloigner les moucherons et après avoir subis leurs attaques insistantes pendant 2 heures nous rentrons prendre une bonne soupe chaude. Les phoques se prélassant sur les rochers à marée basse sont beaucoup plus coopératifs….

Coucou!
Pardon, je suis encore un peu fatigué!
Allez les paparazzis, ça suffit maintenant!

Début d’après-midi, il est temps pour une sortie de reconnaissance, nous visons un secteur où Phil a pu observer des renards adultes à plusieurs reprises la semaine dernière, la tanière doit être toute proche. Pendant que nous scrutons les pentes en quête de signes de vie, les moucherons se regroupent en bataillons avant de lancer une nouvelle offensive. Ces minuscules bestioles sont un véritable fléau, et ils profitent du fait que nous ne pouvons pas les chasser à grands mouvements de bras car nous cherchons avant tout à passer inaperçus! Ils ne piquent pas mais ils ont la très mauvaise habitude de s’infiltrer dans les yeux, le nez, les oreilles, la bouche, c’est enrageant! Deux heures passent sans rien. Nous commençons à avoir des doutes sur l’emplacement présumé de la tanière, mais par précaution nous préférons partir, au cas où notre présence empêcherait les adultes de s’approcher.

Un traquet motteux nous tient compagnie en attendant

Dans le nord, l’été est très court et les renardeaux ont peu de temps pour grandir avant l’hiver. Début juillet les petits ont environ 5 à 6 semaines, ils ne sont pas encore bien grands, mais déjà sevrés. Ils passent leur temps à jouer autour du terrier et à explorer les environs en attendant que les parents reviennent avec un bon repas.

Été islandais

Nous retournons au premier terrier en fin d’après-midi, cachés derrière le même rocher, les yeux rivés sur l’entrée présumée de la tanière. Enfin, après une heure d’attente, un premier renardeau pointe son petit nez. Youppiiii!!! Puis un deuxième sort de l’antre. La tentation de s’approcher est grande, mais nous devons encore patienter quelque temps afin d’observer leur comportement et l’éventuelle présence d’un adulte. Le moment propice venu, l’approche est encore compromise, cette fois par des randonneurs du dimanche. Nous ne voulons pas trahir la présence des renardeaux, nous sommes alors obligés d’attendre que les promeneurs soient partis. Et ils traînent…..

Enfin hors de vue, nous tentons une approche, mais voilà c’était sans compter sur la renarde….. Comme tous les animaux, les renards polaires ont tous leur caractère individuel, certains sont curieux et se laissent approcher facilement, d’autres sont plus méfiants et n’acceptent pas la présence des humains, surtout quand ils ont des jeunes. Hors de question de ne pas respecter leur choix, même s’il faut repartir sans photos. Malheureusement pour nous, nous avons affaire ici à une maman plutôt craintive, et nous sommes contraints de nous éclipser discrètement et rapidement.

Cette renarde est particulièrement méfiante

JOUR 2 – ENFIN DES RENARDEAUX

Pendant l’été le soleil ne se couche jamais vraiment ici et il est assez déconcertant de se réveiller au milieu de la nuit comme si c’était en pleine journée. Je me fais avoir plusieurs fois, et à 5 heures je craque, il faut que je me lève. Je quitte la maison discrètement afin de ne pas réveiller les autres et me dirige vers la plage en espérant y croiser un renard à la recherche de sa pitance. Mais malheureusement seul un grand gravelot est prêt à me tenir compagnie.

Grand gravelot coopératif
Grand gravelot à la plage

Je suis presque sur le point de faire demi-tour quand j’aperçois un mouvement tout au bout de la plage. Mon premier renard polaire blanc!!!! Il est malheureusement beaucoup trop loin pour espérer le rejoindre, je le vois disparaître dans les herbes hautes qui bordent la plage.

Renard polaire de forme blanche en tenue d’été

Je prends un petit détour en rentrant, avec des arrêts fréquents pour scruter les pentes. Un mouvement rapide et à peine perceptible à distance m’interpelle, je m’arrête, les jumelles collées aux yeux, plus rien. Non, je suis sûre de ne pas avoir rêvé, j’insiste pendant quelque minutes et là je n’en crois pas mes yeux, une petite boule marron chocolat, puis une autre, passent entre 2 rochers. C’est le terrier!

Deux petites boules de poils perdues dans la végétation

Après le petit déjeuner nous retournons tous au terrier n°2, et l’attente n’est pas longue avant l’apparition d’un premier petit. Comme par miracle la petite bruine semble calmer les ardeurs des moucherons aujourd’hui. Nous comptons 5 petits au total, 3 de forme blanche et 2 de forme bleue, peu surprenant, vu qu’il s’agit d’un couple mixte.

Petit curieux
La fratrie bicolore
Renardeaux de forme bleue et blanche

Bon nombre de gens pensent que tous les renards polaires deviennent blancs en hiver. Peu d’entre eux savent qu’il en existe en fait 2 couleurs distinctes: La forme blanche dont le pelage hivernal blanc immaculé se transforme en gris-clair parfois tinté de tons fauves en été, et la forme dite  »bleue » qui garde sa livrée marron foncé (avec parfois des reflets bleus, d’où le nom) tout l’année. Sur une échelle mondiale, la forme blanche est beaucoup plus commune, mais en Islande, et plus particulièrement dans les fjords de l’Ouest 80% de la population présente un pelage marron, une adaptation à leur habitat en grande partie côtier. La génétique des couleurs de pelage est un sujet très complexe, mais pour résumer l’allèle responsable de la couleur marron est dominant tandis que l’allèle pouvant donner la forme blanche est récessive. Ainsi les petits d’une même portée peuvent être en partie blancs soit si les 2 parents sont de forme blanche, soit si les 2 parents sont bleus mais portent le gène récessif.

Un des petits, le benjamin de la portée, est monté dans les rochers en haut de la pente, nous l’entendons aboyer de temps en temps. Tout à coup un deuxième aboiement se fait entendre, la silhouette de la renarde se dessine en haut de la crête.

L’oisillon que la renarde apporte ne fera qu’une bouchée pour les petits…..

Rapidement elle négocie son chemin à travers le chaos des rochers pour déposer un jeune oiseau à l’entrée de la tanière. Les petits s’en emparent tout de suite et disparaissent de notre vue. Nous avons de la chance, car cette maman n’est pas particulièrement farouche, notre présence semble plus l’intriguer que l’inquiéter. Elle s’accorde une petite pause d’une quinzaine de minutes avec ses jeunes infatigables avant de repartir à la chasse.

La renarde est intriguée par notre présence
Pas facile de s’accorder une petite pause!

Quand le benjamin réussit enfin à descendre de son promontoire pour rejoindre le reste de la fratrie, la renarde est déjà repartie. Sous la bruine, il s’enroule devant l’entrée du terrier, pour nous c’est le moment de plier bagage.

Benjamin, le jeune aventurier
J’ai faim!!!!!
Sous la pluie il attend le prochain repas

JOUR 3 – AU BOUT DU MONDE

Après une nuit tous conforts chez Phil, nous embarquons pour la deuxième partie de notre aventure dans la Réserve naturelle du Hornstrandir, cette fois nous avons un trajet de 3 heures en bateau.

Difficile de trouver un endroit plus sauvage, plus éloigné que cette côte découpée et en permanence balayée par les vents de l’Atlantique. On comprend facilement pourquoi les quelques âmes courageuses qui ont longtemps cherché à (sur)vivre dans cette région l’ont finalement abandonnée dans les années 40 pour une vie plus facile en ville. Le bateau nous dépose simplement sur la plage, pas de ponton ici, les bottes en caoutchouc sont les bienvenues…. Pour atteindre l’endroit où nous sommes autorisés à monter nos tentes il y a encore une bonne marche. Plusieurs allers-retours sont nécessaires pour acheminer toutes nos affaires, les tentes et matelas, la nourriture pour les prochains jours, le matériel de cuisine, nos affaires personnelles et bien sûr notre matériel photo. Nous tombons sur notre premier renard sur le chemin, il est vite rejoint par un deuxième. Visiblement décontractés en notre présence ils se chamaillent devant nous. Bien évidemment nos caméras sont encore sur la plage!

Notre campement de fortune

Plus tard nous sommes ravis de découvrir une tanière occupée non loin de notre campement et nous passons le reste de l’après-midi à faire connaissance avec la petite famille. Les parents sont de forme bleue, mais ils doivent tous les 2 être porteurs de l’allèle récessive responsable du pelage blanc, car 2 sur les 8 renardeaux sont de forme blanche.

4 sur 8 renardeaux
Renardeau de forme bleue
Renardeau de forme blanche
Même si Monsieur et Madame forment un couple stable, on ne les voit que rarement ensemble à cette époque
L’allure d’un prince
La mère, la princesse du Hornstrandir

En général les renards dans la réserve sont de nature plus curieux et moins farouches que leur congénères du reste de l’Islande (où ils sont malheureusement toujours chassés) mais leur seuil de tolérance vis-à-vis de la présence des humains connaît tout de même de fortes variations. Nous avons une chance inouïe d’être tombés sur une famille aussi indulgente. Le comportement décontracté des adultes et leur manque de méfiance envers nous rassure leur progéniture qui, après un peu de curiosité initiale, se résume rapidement à leurs jeux et bagarres habituels.

Je me sens bien ici!
Et la princesse aussi…

Quel privilège de pouvoir partager les moments les plus intimes de leur vie de famille sans les déranger, sans impacter leur comportement!

Jeux entre frangins
Allez, allez!
Vulpes lagopus porte bien son nom – à noter, les coussinets poilus

Contrairement aux renards roux, les renards polaires sont monogames et le couple reste ensemble jusqu’à la mort de leur partenaire. Ainsi tous les renardeaux dans une portée ont le même père et celui-ci joue un rôle primordial. Non seulement il participe à la recherche quotidienne de nourriture, mais nous avons également pu observer plein de moments de tendresse et de jeux entre le mâle et ses petits.

Allez papa, on joue?
Câlin
Tu regardes quoi papa?
Léchouilles paternelles
Amour maternelle
Tendresse maternelle
Et jeux
Changement de couche
Pas de chatouilles maman!

Les pères ont tendance à amener des proies plus conséquentes, comme des oiseaux adultes chassés dans les falaises, tandis que les femelles fournissent plutôt des charognes glanées sur la plage ou des oisillons tombés prématurément du nid .

Renarde avec oisillons
Renard avec guillemot
Chez nous c’est encore du guillemot ce soir, et chez vous?
La concurrence entre frangins est rude….
Il était une fois un guillemot…..
Guillemot pour ce soir
Pas sur qu’il en restera pour le père
Parfois la maman réussit à chaparder quelques restes

Passer du temps en compagnie d’un animal sauvage est un privilège rare d’autant plus ici car nous n’avons même pas besoin de nous cacher. Nous sommes acceptés, considérés sans danger. Il y a de quoi s’interroger sur notre relation avec le sauvage…. Je ne peux m’empêcher de penser à  »mes » renards roux en Creuse. S’ils n’étaient pas chassés depuis des générations est-ce qu’ils seraient aussi peu méfiants?

Ensemble on dort mieux!
Mais parfois il faut……
……..changer de place
Mêlée de renardeaux
Oreiller vulpin

JOURS 4 et 5 – RENARDS POLAIRES SOUS LA PLUIE

Les deux jours suivants nous faisons des excursions dans l’arrière-pays à la recherche d’autres tanières afin de varier nos prises de vue. Les quelques taches de ciel bleu visibles hier ont complètement disparues et les nuages sont tellement bas qu’ils cachent le haut des montagnes. Ici les chemins ne sont pas balisés, et dans ce paysage austère avec ses grandes étendues de tourbe et de toundra, l’orientation n’est pas évidente, surtout quand le brouillard vient jouer les trouble-fête. Heureusement que nous avons un bon guide!

Paysages de tourbe

Les hauts-plateaux sont un lieu de baignade privilégié des mouettes tridactyles, elle se servent de l’eau douce des nombreux petits lacs pour nettoyer leur plumage afin de le débarrasser des traces de sel accumulées en mer.

Lacs en altitude
Mouettes tridactyles à la baignade….
…….et après

Nous passons en haut des falaises, mais avec les nuages si bas nous ne pouvons qu’imaginer les vues sans doute spectaculaires. On ne voit même pas le fond de la falaise, et s’il y avait des renards à la chasse, ils ont pu rester très discrets sous la chape épaisse de brouillard…..

Sur les 2 tanières que nous trouvons, seul un couple accepte notre présence. Après 1 heure et demi de grimpette sous une bruine incessante et sur des sentiers trempés, cette tanière se mérite. A peine installés derrière un bosquet d’angélique sauvage, un premier renardeau curieux nous a déjà repéré et s’approche pour mener l’enquête. Il doit être dehors depuis un moment car son pelage, doux et touffu d’habitude, est déjà bien trempé, les poils sont collés en petits paquets pointus.

Petit curieux

Quelque minutes plus tard, la femelle monte sur un gros rocher à une centaine de mètres et nous observe de son promontoire, intriguée, mais pas inquiète.

La renarde

Peu après elle est rejointe par 4 de ses renardeaux. 2 autres se promènent dans le chaos rocheux autour.

Une partie de la famille
Renardeau en vadrouille

Après quelques séances de toilettage, la mère fait plusieurs tentatives pour repartir à la chasse, mais à chaque fois les petits la suivent, en espérant pouvoir l’accompagner.

Étirements et ……
……petite toilette
Bisous maman, je t’aime!
Maman, on peut venir à la chasse?
Nous sommes déjà grands!
Ecoutez les petits, ça suffit, maman doit partir à la chasse toute seule!
Désespérée, la renarde ramène le petit le plus déterminé

Quand elle réussit enfin à s’éloigner 2 petites boules de poil s’enroulent à quelques mètres de nous, visiblement peu dérangés ni par la pluie, ni par notre présence.

2 petites boules de poils sous la pluie

De retour dans notre vallée des nuages sombres à l’horizon, de plus en plus bas, annoncent la tempête à venir. Ici pas de WIFI ni même de réseau pour les portables. Heureusement Runar, un copain de Phil et notre hôte pour les séjours d’hiver nous a laissé une radio. Ainsi il nous communique les dernières prévisions météo tous les matins. Et les nouvelles ne sont pas bonnes…. Au lieu d’une journée de pluie intense, une vrai tempête est en route, avec des vents violents et un véritable déluge, entre 350 et 400mm dans 48 heures.

Les étés dans le Nord ne sont guère connus ni pour les températures clémentes, ni pour l’ensoleillement. Quand on passe du temps ici, il faut simplement accepter qu’une proportion des journées sera pluvieuse. Mais même pour le photographe le plus hardi il y a des limites – quand la pluie arrive à l’horizontale, ce n’est pas la peine de sortir. Mieux vaut patienter dans la tente, au sec… Déjà une journée passée sous une minuscule tente n’est pas terrible, mais l’idée d’y passer 3 jours ne nous emballe pas du tout! Ainsi, quand Runar nous propose de le rejoindre à son campement d’été plus loin sur la côte, le choix est vite fait. Afin d’accueillir des groupes de randonneurs et photographes dans un cadre plus confortable il a installé une grande tente  »safari » qui sert d’espace de vie en journée avec un coin cuisine, une table pour manger, un coin détente et même un petit poêle qui permet de gagner quelques dégrés.

Derniers moments avec notre famille
Bisous câlin papa….
C’est fatiguant les enfants!

La gardienne de la réserve fait le tour de son secteur afin d’avertir les randonneurs isolés et elle est soulagée de nous savoir dans un lieu sûr pour les jours qui viennent. Runar viendra nous récupérer à la plage en fin d’après-midi. Nous démontons les tentes sous une pluie légère et une fois arrivés à destination, nous les remontons sous une pluie de plus en plus intense. Le vent souffle de plus en plus fort et le confort de la grande tente est très apprécié. Heureusement le groupe de photographes espagnols actuellement en pension chez Runar acceptent de partager les espaces communs avec nous. Je regrette de ne pas maîtriser l’espagnol, la seule personne de leur groupe avec laquelle je peux bavarder est leur guide Marta qui parle anglais.

La tente tous conforts

Le soir venu nous rejoignons nos petites tentes pour dormir, non pas sans se faire violence pour quitter l’espace chauffé…. Les 20 mètres qui nous séparent sont suffisants pour être trempés jusqu’aux os. A peine endormie, les gigotements de Floriane me réveillent, mauvaise surprise une partie de la tente à cédé sous la pression du vent et la pluie est en train de s’infiltrer à l’intérieur, sur nos affaires. Pendant que Floriane pousse la paroi de l’intérieur, j’essaie tant bien que mal de refixer les sardines arrachées par le vent. Mais les sardines ne tiennent pas dans le sol sableux et le vent et la pluie sont tellement forts que l’on doit répéter l’opération toutes les heures pour éviter que la tente ne s’effondre complètement. Les joies du camping sous la météo islandaise!

Inondation après la tempête

JOURS 6 À 9 LA GRANDE TEMPÊTE

Le lendemain matin, pendant le petit déjeuner, une des photographes espagnoles arrive à la course pour nous annoncer que notre tente s’est entièrement écroulée. Les 2 petites tentes de Phil et Richard sont encore debouts, mais elles sont tellement déformées par le vent que ce n’est plus qu’une question de temps. Nous n’avons pas le choix, nous passons les nuits suivantes dans la grande tente. Fort heureusement Runar a des lits de camp que nous déplions tous les soirs pour transformer la salle en dortoir.

Guillaume, le guillemot sauvé par Marta pendant la tempête……
……rejoint l’océan après une nuit passée au chaud dans la tente pour sécher ses plumes

En journée, nous restons agglutinés autour du poêle, les températures à l’extérieur sont en chute libre, plus que 4 – 5°. Une fine pellicule de neige fraîche décore les montagnes au fond du vallon. Le vent n’arrête pas de secouer l’ossature métallique de la tente et les courants d’air créés par les rafales sont tellement forts qu’il faut 4 personnes pour empêcher le poêle d’être arraché de son ancrage au sol.

Une fine couche de neige est tombée dans les hauteurs

Pendant 3 jours la tempête fait rage, impossible de tenter des sorties autres qu’au bloc sanitaire. Même cela est un défi puisqu’il faut traverser le camping inondé tout en luttant contre le vent. Nos rations alimentaires sont calculées, donc chaque groupe prépare à manger à son tour. Le reste du temps nous discutons, lisons, attendons la fin de la tempête. Bien évidemment dans ces conditions le bateau ne pourra pas venir nous récupérer le samedi comme prévu. Le plus tôt possible sera le lendemain matin, une mauvaise nouvelle pour tout le monde, car nous allons rater notre vol interne vers Reykjavik dimanche midi.

Courant samedi le vent commence enfin à se calmer et les nuages semblent s’être vidés. Nous tentons une sortie dans l’espoir de trouver un renard. Les traces sur la plage trahissent leur passage, nombreux sont les oiseaux qui ont péri dans la tempête et qui sont échoués sur la plage. Un mal pour les uns, une aubaine pour les autres….

Farouche
Renard furtif
Eider après la tempête
Arlequin plongeur pensif
Jeunes survivants
Maman eider

En fin de journée, les nuages laissent enfin apparaître un peu de ciel bleu et une lumière féerique s’installe à l’horizon, lumière de rêve que l’on ne trouve que dans le nord. Pendant quelques instants éphémères les montagnes grises sont teintées d’or, puis une minute plus tard la couleur a déjà disparu. Un renard farouche longe la plage brièvement, puis disparaît comme un mirage. J’ai le cœur lourd, demain nous quittons le Hornstrandir et les chances de croiser d’autres renards avant de partir sont de plus en plus minces.

Sentinelle

JOUR 10 – LE CADEAU DE DÉPART

Mais décidément la nature islandaise nous a réservé une dernière petite surprise…. Le lendemain matin, pendant que nous sommes en train de préparer nos affaires, un autre renard montre le bout de sa petite truffe au camping. A l’opposé de celui que nous avons aperçu de loin hier, cet individu, sans doute un jeune de l’année précédente, est loin d’être farouche, bien au contraire, il est même particulièrement curieux et joueur. Pas du tout impressionné ou intimidé par notre groupe de photographes surexcités il court dans tous les sens et s’accroupit devant Richard comme un chien qui veut jouer! 30 minutes de pur bonheur avant qu’il ne commence à se désintéresser de ces bipèdes trop lents et poursuit son chemin sur la plage… un fabuleux cadeau de départ….

Alors on joue???
Beaux yeux, la jeune renarde
Regard plein de curiosité
Renarde équilibriste
Trouvaille
Ça bouge encore!
C’est dur!
Et difficile à avaler!
À la prochaine….

Le bateau arrive et nous voilà partis pour un retour bousculé. Je regarde le fond du fjord s’éloigner et je sais déjà qu’il va falloir revenir….encore et encore dans ce lieu magique qui reste plein de trésors insoupçonnés.…Notre capitaine française fait son mieux pour diriger le bateau à travers une mer toujours très agitée, mais j’ai rarement été si malade. Pire, rien que de voir les autres passagers, récupérés en cours de route et encore plus malades que moi, me tourne l’estomac. Les odeurs me donnent la nausée et j’ai de plus en plus de mal à me retenir. Les 3 heures les plus longues de ma vie!

De retour à Isafjörður je constate que même ici l’imprévisible été islandais a laissé une jolie petite couche de neige fraîche sur les flancs de montagnes….

Notre vol loupé, Phil nous ramène à Reykjavik en voiture, je vais y retrouver père et fils ce soir et Floriane et Richard ont leurs vols internationaux tôt le lendemain. Aujourd’hui la météo islandaise frime avec son plus beau soleil qui nous accompagne sur une route sinueuse à travers les magnifiques paysages des fjords de l’Ouest. Je n’ai pas encore vu le reste de l’île, mais je sais déjà que cette région aura toujours une place particulière dans mon cœur.

Un grand merci à toi Phil pour un autre séjour merveilleux, de ton organisation parfaite (hors météo 😉 et d’avoir fait l’effort de nous rapatrier en voiture. Merci d’avoir partagé si généreusement ton expérience et tes connaissances de nos amis vulpins, qui m’ont permis de passer des moments inoubliables en leur compagnie. Même en tenant compte des jours sacrifiés sur l’autel de la météo islandaise, je n’aurais jamais espéré voir autant de renards, autant de renardeaux, autant de comportements et de scènes de vie différentes et fascinantes….

Je tiens aussi à remercier Runar de nous avoir accueillis in extremis dans sa tente tous conforts ainsi que Marta et son groupe d’avoir accepté de partager leur espace commun avec nous! Pour tous ceux qui parlent l’espagnol, voici le lien vers le récit de voyage de Marta: https://indomitus.eu/expedicion-zorro-artico-verano-2020/

6 Replies to “Renards polaires sous la pluie”

  1. Merci pour ce superbe reportage où on partage des instants de bonheur avec des animaux sauvages dont tu nous fais partager la vie, avec, encore une fois une tempête de magnifiques photos !

    1. Merci beaucoup Frédéric!!! Même avec une météo islandaise complètement imprévisible je n’ai qu’une envie, y retourner!

  2. Bravo Karin, réussir de si superbes images dans ces conditions climatiques , chapeau, le matériel et la photographe ont résisté !; trop mignons ces renardeaux, cela donne envie d’y retourner, je vais commander à Phil du ciel bleu pour la prochaine session ,
    Amitiés , Jacques

    1. Merci beaucoup Jacques, j’avais bien commandé du beau temps, mais voilà, la météo islandaise n’est pas toujours très coopérative! Mais même sous la pluie c’est une aventure inoubliable que je te conseille vivement! Espérons que l’on pourra reprendre les voyages dans un futur pas trop lointain….

  3. Une expédition (on peut appeler ça comme ça !) tout à fait passionnante. Les images sont incroyables, les scènes de vie un privilège, un plaisir à regarder au chaud. Pour vous sur place, malgré cette tempête si hostile et intimidante, assister à ces moments et ces rencontres toujours plus nombreuses a du être un émerveillement.
    Ça donne très, très envie d’autant que j’ai toujours eu une attirance pour l’Islande depuis de nombreuses années et pour diverses raisons. Aujourd’hui, ce serait pour la photo…
    Jour 2 le « petit curieux », jour 4 le « petit curieux » (2) ainsi que « Benjamin », et la petite effrontée de jour 10, des images à couper le souffle.
    Les scènes familiales sont irrésistibles, et les décors toujours somptueux…
    Un grand bravo Karin pour ce reportage. Merci de partager ces moments nature et authentiques, et de planter une petite graine (un jour peut-être…)

    1. Mille mercis Loïc pour tes mots encourageants! L’Islande est un pays merveilleux, sauvage et tellement riche en faune et en flore, je te le recommande vivement! Je suis sûre que tu seras enchanté! Pour observer les renards polaires le Hornstrandir est un des meilleurs endroits du monde, ça vaut le coup d’y passer plus de temps. 10 jours passent vite!

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