Quand on adore notre goupil on ne peut pas s’empêcher de tomber sous le charme de son cousin arctique, le renard polaire. Un peu plus petit que le renard roux, il peuple les contrés nordiques de l’Alaska et du Canada jusqu’en Russie en passant par le Groenland et l’Islande. J’avais lu plusieurs articles à son sujet et assez rapidement ils m’ont donné envie de partir au Hornstradir, une région très isolée, située dans l’extrême Nord-Ouest de l’Islande. C’est aussi le seul endroit en Islande où ce petit mammifère, pourtant inoffensif, n’est pas chassé et la région présente une des populations les plus élevées dans toute son aire de répartition mondiale.
Par contre la réserve n’est accessible qu’en été et ceci plutôt difficilement. Il n’y que très peu d’hébergements et aucun moyen de s’approvisionner sur place. L’organisation d’un voyage photo en individuel s’avère en conséquence assez compliqué. Alors quand l’occasion s’est présentée de photographier le renard polaire en fourrure d’hiver dans le cadre d’un séjour organisé en petit groupe, je n’ai pas hésité. Vu que les hivers chez nous sont de plus en plus doux, plutôt pluvieux et gris mais sans neige, je suis contente de m’envoler vers le grand Nord. Enfin de la neige!



Notre premier jour complet dans ce paradis au bout du monde, le grand soleil est au rendez-vous et nous attendons avec impatience l’arrivée des renards dans ce paysage blanc immaculé. Leur recherche de nourriture étant conditionnée par les marées nous les voyons passer tout les jours pour accéder à la plage.
Les lemmings et d’autres rongeurs constituent la nourriture de base du renard polaire dans la majorité de son aire de répartition. Dans l’absence de rongeurs sur l ‘île, le renard polaire islandais a du s’adapter et ici il se nourrit essentiellement des oiseaux marins et leurs œufs en été et au printemps. En hiver, ses périodes d’activité sont calées sur les marées. A cette époque, où son territoire est entièrement couvert de neige et où les oiseaux nicheurs sont absents, il se nourrit de ce que la mer lui laisse à marée basse : des restes de poissons ou phoques échoués ou quelques crustacés et larves cachés sous les rochers et dans les algues.




Le renard polaire est le seul mammifère natif de l’Islande, arrivé à l’époque glaciaire où les océans gelés lui ont permis d’accéder à l’île. Il a une fourrure très chaude et presque imperméable qui lui permet de résister parfaitement aux températures jusqu’à -50°C ! Son corps trapu est bien adapté aux conditions météo extrêmes, courantes en hiver. Avec des oreilles et un museau moins longs que ceux du renard roux il limite les déperditions de chaleur. Quand il est au repos il se roule en boule pour économiser au maximum son énergie.


Parmi les canidés, le renard polaire est le seul à présenter un dimorphisme saisonnier. En général les gens sont étonnés de voir un renard polaire marron dans un paysage enneigé, pensant couramment qu’il deviendrait blanc à cette époque, tout comme le lièvre variable, le lagopède ou l’hermine. En réalité il y a 2 couleurs distinctes au sein de cette même espèce , la forme blanche qui prend un aspect gris-brun mélangé de blanc en été et la forme marron, appelée »bleue » qui conserve sa robe brune toute l’année. Contrairement au reste du monde, où la forme bleue ne représente qu’environ 1 à 5 % des populations, en Islande elle constitue 75 à 80% des effectifs, la forme blanche se trouvant plutôt à l’intérieur des terres. Même si en Islande l’homme reste son seul prédateur, ceci est sans doute une adaptation à son environnement local, en grande partie côtier, où la couleur marron passe pratiquement inaperçu sur les plages couvertes d’algues brunes.





Nous passons une bonne partie de cette belle journée en leur compagnie, car les attentes entre les marées basses sont longues. Le reste du temps les renards se reposent, par ce froid il ne faut pas gaspiller de l’énergie! Nous aurons vu 5 individus aujourd’hui – le couple dominant et 3 jeunes de l’année dernière. Ça commence bien!









Une autre belle journée s’annonce. Nous sommes en place dés l’aube. Et nous n’attendons pas longtemps avant l’arrivée d’un premier renard. Marée basse oblige! Mais même en déplacement les renards ne chôment pas, le nez au sol, rien ne leur échappe.







Même si les attentes durent parfois et le froid nous engourdie les doigts, il faut toujours être aux aguets et prêt, car l’action peut se déclencher à n’importe quel moment et de n’importe quel côté! Voilà que notre mâle dominant est rejoint par sa fiancée. Et ça bouge! La saison des amours arrive et leur retrouvailles commencent , mais pour l’instant elles ne sont pas très tendres!


Cet hiver nous avons de la chance, car les jeunes de l’année ne sont pas encore partis à la recherche de leur propre territoire. Ainsi tous les jours nous observons 3 jeunes dans la vallée. Avec le début de la saison des amours, le mâle dominant ne tardera pas à chasser tout concurrent potentiel de son territoire, y compris sa propre progéniture. Les jeunes le savent, ils guettent son arrivée et s’éclipsent aussitôt. Mais ils sont plus téméraires que leurs parents et ils trouvent vite la bonne combine pour éviter l’approche trop près du mâle dominant: notre proximité et celle de la maison.

Souvent je me suis posé la question de ce qu’ils doivent penser de nous! En tout cas ils n’ont pas mis longtemps à comprendre que ces drôles de bipèdes avec leurs gros objectifs étaient inoffensifs. En plus, pendant la nuit le mur de la maison protège bien contre le vent glacial et plusieurs matins nous trouvons un renard couché contre le mur en-dessous de la fenêtre.






Fin d’après-midi un vent glacial se lève et les nuages arrivent. Le temps est en train de changer. Une tempête s’annonce. Nous avons eu beaucoup de chance avec le beau temps jusqu’ici. Mais depuis le début nous rêvons de réaliser des images sous la neige qui tombe, pour montrer les renards dans les conditions auxquelles ils doivent faire face une bonne partie de l’hiver. Il semble que demain notre vœu sera enfin exaucé…….




…..enfin peut-être pas tout à fait, car hier le vent soufflait tellement fort (110 km/h quand même!) que nous n’avions pas pu sortir pour faire des photos – de toute façon les renards sont restés chez eux aussi. Aujourd’hui il y a moins de vent, nous avons hâte de les retrouver. Après un jour de jeûne, ils ont faim et ils partent à la plage. Je reste admirative devant leur impressionnante capacité de survie dans un paysage couvert de neige et de glace pendant tout l’hiver. Les tempêtes de neige, les vents violents et les températures très basses sont courantes et la nourriture à cette époque est peu disponible. Il n’y a pas beaucoup d’animaux qui ont su s’adapter à des conditions aussi extrêmes.









Nous aussi sommes allés sur la plage, pour tenter quelques images. J’ai l’impression que nous sommes les seuls à souffrir du froid et surtout du vent glacial – ni eiders, ni arlequins, ni bécasseaux violets ne se soucient de cette météo. Peut-être n’est ce qu’une habitude à prendre! Les conditions de prise de vue sont aussi extrêmes que les conditions météo, à part les mains gelées, la neige volante a tendance à laisser des gouttelettes d’eau sur la lentille de l’objectif ou bien elle se met dans l’axe de l’œil du renard. Les bourrasques de vent font travailler le stabilisateur de nos objectifs….. et dans les galets couverts d’algues et de neige il faut bien choisir où poser son pied afin de ne pas se retrouver à plat ventre dedans. Les bécasseaux violets imperturbables continuent leur recherche de nourriture dans ce décor improbable.










19 février, c’est notre dernier jour aujourd’hui, dans l’après-midi le bateau viendra nous chercher pour nous ramener en ville. Je n’ai pas du tout envie de quitter ce petit paradis blanc! Nous profitons de ces dernières heures pour réaliser quelques photos d’ambiance. Le ciel est plus ou moins dégagé, et il ne neige plus. Mais le vent souffle toujours assez fort et la neige volante avec quelques rayons de soleil nous permet de montrer les renards dans de belles mais difficiles conditions hivernales. C’est d’ailleurs ce jour là que j’ai réalisé mes photos préférées du voyage.

Deux des jeunes apparaissent et nous gratifient de quelques petites bagarres. Ils grandissent et bientôt ils quitteront le territoire qui les a vu naître pour s’installer plus loin.








Photo sélectionnée au 2 ième festival international Natura l’Oeil 2019 à Egletons (Corrèze)






Le bateau est arrivé et nous sommes en train de charger nos affaires, plusieurs voyages en zodiac sont nécessaires pour acheminer tous le monde ainsi que les sacs. Un petit renard s’est installé au milieu de la corniche, protégé du vent glacial qui souffle toujours. Il lève la tête comme pour nous dire au revoir…….





Superbes images et magnifique souvenir, merci pour ces photos ainsi que pour tes commentaires de voyage !
C’est magnifique Karin, quelles belles rencontres !
J’avais l’impression d’y être (le froid en moins…)
Merci pour ce voyage extrême, ça donne envie de se trouver le courage d’entreprendre une telle aventure.
Merci beaucoup Loïc!!! C’était un voyage inoubliable, j’aimerais bien y retourner un jour!